Le grand jour est enfin arrivé!

{15 mars 1464. Bourbonnais-Auvergne, Polignac. Demeure de Mandragore et Estaloth. Chambre à coucher des maîtres.}

Aux petites heures du matin, avant le premier chant du coq, un cri retentit dans la chambre à coucher. Voilà des jours déjà que cela se tramait. Les contractions, anodines au départ, devinrent de plus en plus rapprochées. Esta était alitée depuis une semaine maintenant, un point dans le dos l'empêchant de se lever et de marcher. Heureusement, son époux, et leur amie Jessica, prenaient soin d'elle, la baignant, l'aidant à se coiffer, à changer de vêtements, et lui faisaient faire des étirements aux jambes pour ne pas que ses muscles s'atrophient.

Mais ce matin, ce matin du 15 mars, c'était le branle-bas de combat dans la maisonnée. Sophie d'abord, puis Madelinette, ainsi que Isabella, furent réclamées. Le travail venait de commencer. Esta venait de perdre ses eaux.

Des bûches furent ajoutées dans la cheminée. De l'eau fut mise à chauffer. Bertrand fut envoyé pour aller quérir Étoiles, au cas où les événements se succéderaient mal. Antoine était resté à l'extérieur, préférant prier dans les écuries pour le bon déroulement de la délivrance et la santé de la mère et de l'enfant.

Et Esta criait à chaque contraction, plus fortes les unes que les autres.

- Mandra! J'ai mal!

Ce matin du 15 mars semblait être comme toutes les autres matinées. La jeune Jessica souffre de profonde paresse depuis qu'elle habite cette demeure. C'est presque illégal d'avoir un lit si confortable pense t-elle à chaques fois que le soleil plombe dans sa fenêtre.

Elle s'asseoit de peine et misère, les yeux à moitiés fermés et les cheveux décoiffés dans lequel elle passe sa mains en baillant.

C'est en se réveillant un peu plus que la noirette sent un drôle de sentiment. L'ambiance ne semble pas normal. Comme ci la sensation relaxante qui y regne habituellement ai laissée sa place à une ambiance stressante... Elle se secoue la tête pour oublier cette pensée bizarre.

Maudite alcool de France pense t-elle en baissant les yeux vers le sol à la recherche de ses vêtement. Ayant trouvée la cible pèle mêle au sol. La fille du sud se lève et commence doucement a enfiler sa jupe et elle s'arrête brusquement. Le cri qu'elle entend à l'autre bout lui fait presque faire un arrêt cardiaque.

Mandraaaa!

C'était son amie et maitresse de la maison, Estaloth qui semblait être dans une telle souffrance. D'un genre spontanné elle prend sa chemise qu'elle met sur elle et se dirige aussi vite qu'elle le peut vers la chambre des maîtres.

Paniquée de n'avoir vue personne dans le corridor. Enfin arrivée devant la porte elle ne prends même pas le temps de cogner. Sa main tourne immédiatement la poignée et elle est presque sous le choc de ce qu'elle voit.

Madelinette, Isabella et Sophia qui sont toutes là autour d'Esta qui elle semble en attroce souffrance. Jessica accourt vers le lit...

ESTAA!!!

Elle s'empare de la mains de sa bonne amie et tente tant bien que mal de reprendre ses propres esprits.

Une main s'était glissée dans la sienne. Sans même se demander à qui elle était, elle se mit à la serrer, la presser, comme si cette pression allait la soulager de la douleur qu'elle ressentait.

Esta était un peu paniquée. Elle avait vu sa mère accoucher par cinq fois. Elle ne se souvenait pas que les contractions avaient pris autant de temps. Mala criait-elle? Avait-elle eu aussi mal?

La contraction passée, Esta reprit son calme et relâcha la main, qui, s'en aperçut-elle enfin, appartenait à Jessica.

- Oh... Je suis désolée mon amie. Pardon.

Son époux les rejoignit enfin. Il s'assit près d'elle, puis lui prit la main.

- J'ai mal oui. Tellement mal... Je ne pensais pas que ça pouvait être douloureux comme ça. Comment a bien pu faire ma mère?! Six enfants!

Elles sont plus fréquentes, plus rapprochées oui. Ça m'a réveillé tout d'un coup et voilà... J'étais toute trempée.

Sophie est arrivée la première et...

La phrase resta en suspens. La main de Mandra fut écrabouillée et Esta cria encore un bon coup.

Dans un coin de la chambre, Isabella priait.

Sans trop s'en attendre elle sent son souffle se couper légèrement... Une pression qu'on lui avait jamais faite subir auparavant à la main. Elle n'en laisse rien paraître comprenant parfaitement la situation.

Son regard navrée se pose aur elle puis tente de faire un léger sourire de réconfort à son amie qui lui demande pardon aussitôt la contraction passée...

Mais non soit pas désolée elle n'a pas le temps de lui demander pourquoi elle l'est qu'elle voit arriver Mandra au pas de course. Jessica ne s'attarde aucunement au salutation mais lui fait un léger sourire et laisse volontière la place au médecin.

Toujours un peu nerveuse, elle s'empresse d'obéir à la demande du mari docteur et vas vite chercher un sceau d'eau à la cuisine en ramassant quelques serviettes au passage.

Vite Jess... Vite se répète t-elle sans arrêt en tête alors qu'elle monte les marches vers le deuxième. La jeune femme sent la chaudière brasser comme jamais et devine à peu près tous les dégâts que s'on empressement doit faire...

Peut importe on s'en fou! sa tête lui dit pour s'auto pardonner. Après un moment qui lui semble une éternité, elle revient enfin dans la chambre et tend les quelques linges qu'elle a pu prendre dans sa hâte à Mandra et dépose l'eau tout près.

Voila!!! Voila! Alors comment va t-elle?

Ses yeux inquiets alternes entre son amie et Mandra en attente de son évaluation.

Les minutes s'écoulaient au même rythme que le soleil traversait le ciel : trop lentement au goût d'Esta!

Les contractions étaient fortes, Esta transpirait, c'était la folie autour d'elle et il lui semblait qu'une véritable fanfare se trouvait dans la chambre, entre les questions de Jessica, les exigences de Mandra, les prières de Isabella, le bruit du feu dans la cheminée, des linges dans le bol d'eau, des pas de Sophie et Madelinette, et ses propres cris.

Les mains s'échangeaient dans les siennes, elle serrait les poings, les dents, les jambes recroquevillées.

Elle poussait à chaque contraction. La douleur au bas-ventre et entre les cuisses, l'effet de brûlure lorsque son antre se déchira. Elle cria et poussa un grand coup, jusqu'au moment où elle eut une impression de léger soulagement.

Que venait-il de se passer?

- Mandra! Mandra! C'est... C'est quoi ça?

Jessica obéit a la directive de Mandra. Sa main va serrer celle d'Esta qui la sert aussitôt... Maintenant habituée, elle lui caresse doucement l'épaule.

Son cerveau s'est presque détachée de sa tête. Bizarrement son corps est bien mais c'est comme si elle ne réalise plus vraiment ce qui se passe. Ce que la jeune femme sait, c'est qu'elle a vraiment hâte que ce moment se termine pour son amie en terrible souffrance.

Elle regarde de loin l'action mais se tiens prête à toutes les éventualités. Un puissant cri la fait revenir revenir à elle et puis un silence presque magique. Ses yeux se posent sur la pauvre puis est vite rassurée, elle respire encore!

Elle écoute la question et regarde le médecin puis soudainement, un doux sentiment s'emparre d'elle avec sa réponse. Comment peut-on se sentir si merveilleusement en entendant cette réponse.

Notre tout premier bébé!

Un sourire soulager vient s'emparer de son visage. Jessica s'approche doucement d'eux, les yeux étincellant pour admirer ce nouvel être.

La tête venait de passer le col. Les sentiments se mélangeaient. Mandra venait de lui lâcher la main pour récupérer l'enfant, il ne restait plus qu'à le dégager entièrement. Prenant une profonde inspiration, un regard vers Jessica qui étrangement, paraissant plus blanche que les draps.

- Hey! C'est moi qui accouche!

Esta lui sourit, reprenant peu à peu le contrôle de la situation. Une nouvelle contraction vint, et alors, Esta y donna tout son sien et s'attela à expulser le bébé pour que son époux puisse les libérer tous deux.

C'est ainsi qu'avec le lever du soleil vint au monde leur premier enfant, la nouvelle génération de Lauvain.

Mandra le reçut, s'assura qu'il respire en lui dégageant la bouche, et avec l'aide de Sophie, ils le nettoyèrent avant qu'il ne trouve les bras de sa mère.

Esta se sentait faible. Les contractions se poursuivaient, sans qu'elle ne comprenne pourquoi. Peut-être les vestiges de l'accouchement, et cela irait en diminuant dans les minutes suivantes. Puis elle se rappela qu'il y avait le placenta à expulser aussi. Elle se rassura donc.

L'enfant était beau. La tête déjà un peu échevelée laissait prédire une tignasse brune. Les joues potelées, les mains ridées, un petit bout de nez, l'enfanton était tout chaud encore et respirait un peu vite. Esta le cala contre elle, peau contre peau.

- Mandra... C'est... Une fille ou un garçon?

Elle lui sourit, voulant lui laisser le plaisir d'annoncer à tous la surprise.

- MANDRA!!!!!!!!!!!!!!!

Esta n'en revenait pas. Il venait de s'enfuir avec le bébé! Le promenant, criant, hurlant, courant avec le bébé naissant dans ses bras!

Elle n'en revenait pas! Elle était consternée! Il n'avait même pas répondu à sa question.

Un regard consterné vers Jessica.

- Mais qu'est-ce qu'il fait? Vite! Vite! allez le calmer quelqu'un! Il va faire mal au bébé! Jessica! Fais quelque chose je t'en supplie!

Dans une dernière crampe, le placenta fut expulsé, et Madelinette se chargea de nettoyer le lit tandis que Sophie était partie à la course derrière Mandra.

Le travail avait été long. Sophie était restée près de la maîtresse, à changer l'eau sur son front, s'assurant de changer la compresse et veillant à ce qu'il ne manque de rien.

La femme souffrait et Sophie s'interrogeait sur la douleur nécessaire pour donner ensuite la vie. Elle était de nature forte, mais heureusement, elle n'en était pas encore à songer à procréer. Elle devait avouer que ce spectacle...

Elle comprenait Isabella de préférer rester en retrait et prier. Il en fallait au moins une pour le faire. Madelinette quand à elle, faisait la route entre la cuisine et la chambre pour apporter de l'eau fraîche. Les pas de Jessica et les siens se croisaient.

Vint enfin le moment de la délivrance. Les draps furent souillés de sang. La tête sortit, puis dans une dernière poussée, l'enfant vint au monde. Rapidement, Sophie vint aider le sieur à nettoyer l'enfant. Mais tout à coup, le maître perd la tête. Il n'a même pas encore coupé le cordon qu'il part avec le nouveau-né!

- Sieur Mandra! Sieur Mandra! L'enfant! Votre épouse! Que faites-vous?

Un regard vers Madelinette pour lui faire comprendre la situation, et elle part à courir derrière Mandragore. La cuisinière, de son côté, sort un petit couteau de poche et s'empresse de couper le cordon ombilical. La mère est pâle, elle continue à perdre du sang. Mais Madelinette en a vu d'autres. Les contractions se poursuivent jusqu'à ce que le placenta soit enfin éjecté. Avec l'aide d'Isabella, elles déplacent doucement Estaloth et ramassent les draps souillés puis elles laissent la maîtresse avec son amie Jessica.

Pendant ce temps, Sophie essaie de rattraper Mandra qui semble s'être volatilisé. Elle suit les traces de sang au sol, perplexe, puis trouve le médecin dans son cabinet.

- Sieur, sieur Mandra, le bébé, votre épouse... Il faut ramener l'enfant à sa mère et le couvrir, qu'il ne prenne pas froid.

Puis elle l'accompagne jusqu'à la chambre, souriant à ses exclamations. Une fois dans la chambre où tout semble en meilleur état, elle les félicite.

- Sieur Mandragore, dame Estaloth, toutes mes félicitations. Si vous me permettez, je vais rédiger l'acte de naissance.

Sophie s'éclipsa, puis revint avec un petit pot d'encre. Elle réussit à en couvrir le pied droit de l'enfant et laissa ensuite sécher l'annonce.